Hélène Mariéthoz assure le commissariat de cette première exposition en galerie pour les artistes Barbezat-Villetard. Voyage out. 22.03 - 05.05.2018
Voyage Out du duo Barbezat-Villetard se vit comme une expérience. De jour ou de nuit, on y entre comme dans une ville dont se perçoivent les mouvements et les éclats de lumière. Conçue à Séoul où les artistes étaient en résidence, l'installation présente trois sculptures néons de tailles différentes dans un espace divisé en diagonale par deux cloisons de toile moirée. Dans un angle, transparent et presque invisible, l'extrait d'un poème d'Apollinaire découpé dans une plaque de plexiglas offre une éclairante didascalie : Passons, passons puisque tout passe, je me retournerai souvent. Le visiteur qui en ferait une lecture littérale devient ainsi l'acteur d'une approche singulière dans l'espace et dans le temps. Visiteur-promeneur dans un quartier et ses lumières, visiteur-protagoniste dont l'ombre ou le reflet s'imprime sur les cloisons et visiteur-auteur d'une poétique de l'espace qui lui est intime et domestique.
Voyage Out est une promenade dans une cité peut-être lointaine, plus certainement très proche. Y sont réunis les éléments d'un vocabulaire que les artistes ont mis en place depuis le début de leur collaboration : une minutieuse étude de l'espace et des lignes de tension qu'ils relient par des cloisons - à moins qu'il s'agisse d'écrans ou de fenêtres ? - rappelle leur première spectaculaire installation sur le Musée d'Art de Sion, traversé du toit au sol par un miroir en biseau ; un travail sur plan, dont l'intervention sur la lumière vient démentir l'apparente sécheresse formelle - on serait tenté de dire « l'air » plutôt que la lumière tant la sensation d'une matérialité traversant le filtre rose des vitres évoque la température plus que la vision chromatique. Ici encore, ce sont les points de tension qu'ils explorent, comme le rapport entre intérieur et extérieur avait été l'objet de leur dispositif au Centre culturel suisse à Paris à l'automne 2017 révélant le continuum entre espace clos et jardin avec une fine ligne de lumière noire les traversant comme un horizon.
Leur approche du néon ressort de cette même logique à rebours. Attirés par ce média pour sa capacité à créer une ligne dans l'espace, ils l'utilisent dans leurs premières pièces pour dessiner en trois dimensions, puis comme support, enfin pour sa fragilité, dont les chaînons en verre de Loop of faith testent les limites de l'étirement. Pour Voyage Out, c'est bien la lumière qui est l'objet de leur attention. Dans les caissons de plexiglas qui constituent chacune des trois sculptures murales, accrochées haut comme des enseignes, une grille de néons à l'horizontale diffuse une lumière rose et vibrante. Une couleur que l'on ne constate jamais, que l'on ne souhaite ni obtenir ni montrer dans les enseignes publicitaires, et que les artistes obtiennent dans l'équilibre ténu du gaz argon et du gaz néon. Une tension sonore et physique s'en dégage, concourant à l'effet immersif du dispositif dans son entier et de chaque sculpture singulière.
Les pièces de Barbezat-Villetard offrent une expérience visuelle, cinétique et sonore d'un paysage urbain. Offert à la lumière du jour, le tableau vit de ses variations et ses humeurs. Ici tout bouge, et point de silence. Comme dans un intérieur, comme dans une ville, la lueur diurne des néons devient éclat et anime dès la nuit tombante les murs et les cloisons d'images mouvantes, d'ombres et de reflets, révélant une poétique de l'espace qui transforme l'architecture en théâtre.
Texte d'Hélène Mariéthoz, commissaire de l'exposition